Il existe de nombreuses classifications possibles pour les différents "types" de caractères, par exemple d'après la forme ou le dessin (attention : il ne s'agit pas de la même chose comme vous le verrez plus loin : un même "dessin" peut se présenter sous différentes "forme"...). Une autre distinction, plus technique, pourrait aussi être faite entre les caractères proportionnels (comme ce texte, en Times), et les caractères non proportionnels (tous de même largeur), comme dans les lignes ci-dessous.
Ceci est un exemple d'un court texte en caractères non proportionnels, de type "machine á écrire". Remarquer l'alignement vertical des caractères, qui crée de fausses colonnes et l'aspect relativement peu agréable qui en résulte. Heureusement, les moyens actuels permettent de s'affranchir de ce type de police...
Enfin, dernière classification possible, il faut savoir qu'il existe plusieurs manières différentes d'enregistrer une police de caractère afin de la mettre à la disposition d'un ordinateur, mais cela relève plus de la technologie des machines que de la bonne mise en page d'un document. Nous en reparlerons dans la section suivante, celle qui traite des types de police.
Dans la suite de cette page, nous allons nous limiter á la classification faite par les typographes, classification basée à la fois sur la forme des caractères, et sur leur dessin proprement dit. Nous verrons aussi qu'il est possible de mettre dans un même documents plusieurs types de caractères, à condition de bien savoir comme les "marier". Nous parlerons enfin d'un caractère qui, par son importance, mérite d'être traité á part : l'espace, que l'on nomme surtout le caractère blanc, que l'on confond trop souvent avec une absence de caractère.
On distingue habituellement quatre critères principaux pour classer les caractères :
- les capitales et les bas de casse
En typographie, les termes "majuscules" et "minuscules" sont inconnus... On parle respectivement de capitales et de bas de casse. L'origine de ces termes est lié à l'histoire de l'imprimerie. Au temps de la composition manuelle à l'aide de caractères de plomb, ces caractères étaient rangés dans des grands tiroirs, appelés casses, eux-mêmes divisés en petits casiers, ou cassetins. Les minuscules étaient toujours rangées dans les cassetins du bas de la casse, et les majuscules dans ceux de la tête de casse (en latin, tête se dit "caput", d'où le terme de capitale...). On utilise parfois aussi des petites capitales, c'est à dire des lettres semblables aux "majuscules" mais de plus petite taille .
- le romain et l'italique
Les caractères peuvent se présenter droits, c'est à dire avec des hampes verticales (les caractères romains) ou penchées vers la droite (les caractères italiques). On utilise parfois, à tort, le terme roman à la place de romain. Méfiez-vous, il s'agit d'une (très) mauvaise traduction du terme anglais...
- les graisses
Les traits qui forment une lettre peuvent être plus ou moins épais. On dit alors qu'ils ont des graisses différentes. En typographie, on distingue le maigre (light) le demi-gras (medium), le gras (bold), le très gras (extra-bold ou heavy), le noir (black) et le très noir (extra-black). En traitement de texte classique, on n'a en général le choix qu'entre deux graisses possibles, le standard ou normal, et le gras, à moins de disposer de multiples polices de caractères de "graisses" différentes, ce qui est encore rare sur les micro-ordinateurs classiques... (N.B. cliquez ici pour retourner aux
définitions)
- les chasses
La chasse d'un caractère, c'est la largeur de son dessin et de ses "talus", c'est à dire la place non imprimée à droite et à gauche. Pour les typographes, la gamme des chasses comprend le très étroit (extra-condensed), l'étroit (condensed), le normal, le demi-large, le large (expansed), et l'extra-large (extra-expansed). Si certaines imprimantes matricielles classiques permettent de choisir des largeurs différentes en mode texte (habituellement sous forme du nombre de CPI, pour les polices non proportionnelles uniquement), la majorité des traitements de texte modernes n'offrent pas cette possibilité à l'intérieur d'une police et d'un corps donné. Seuls les logiciels de PAO permettent à l'utilisateur de prendre la chasse de son choix.
Ces différentes caractéristiques vont naturellement influer sur la lisibilité d'un documents. Ainsi, dans la section consacrée aux attributs, nous seront conduits à évoquer le problème de l'usage des capitales.
Le dessin proprement dit d'un caractère peut aller de l'imitation de l'écriture manuelle jusqu'aux lettres les plus fantaisistes (et parfois franchement illisibles), en passant par le classicisme le plus rigoureux. Il existe de nombreux systèmes de classification, différents selon les pays, les époques. Citons seulement les plus connus :
1920 | Thibaudeau |
1954 | VOX |
1962 | A.TYP.I |
1964 | norme DIN 16518 |
En France, chauvinisme oblige, la classification la plus utilisée reste celle de Thibaudeau, qui a le mérite de la simplicité. Crée en 1921, elle repose essentiellement sur la forme des empattements des lettres. Dans sa forme originale, cette classification distinguait quatre familles principales :
- les antiques, ou bâtons, (sans serif en anglais, gothic aux Etats Unis, ou grotesk en allemand) qui se distinguent par l'absence d'empattement. Ce sont les caractères les plus "modernes" et les plus fonctionnels : leur simplicité permet de répondre à nos besoins actuels, mais leur image classique les rend parfois difficiles à utiliser dans des mises en pages qui se veulent résolument moderne...
- les égyptiennes, (slab serif) dont les empattements sont rectangulaires. Il s'agit en fait de didots dont on a engraissé le dessin et épaissi le trait, afin de répondre aux exigences de la publicité naissante, au cours du XIX siècle. Très à la mode il y a quelques années, elles ont tendance à retomber dans l'oubli.
- les elzévirs, (old face) dont l'empattement est triangulaire et où les pleins et les déliés s'inspirent de la calligraphie. Elles tirent leur nom d'une famille d'imprimeurs hollandais du XVII siècle.
- les didots, (modern face) dont l'empattement est filiforme. Ces caractères pourraient être construits à la règle et au compas. Ils correspondent au style classique du siècle de Louis XIV, inspiré de l'art grec...
Par la suite, Thibaudeau a été conduit à réviser sa classification, et à dû ajouter, outre des sous-familles, deux nouveaux groupes :
- les écritures ou scriptes, qui s'inspirent de la forme manuscrite ou de la calligraphie. Ces lettres sont souvent jointes l'une à l'autre comme dans un document manuscrit.
- les fantaisies, ceux qui ne sont pas dans une des familles précédentes... Ils se distinguent par des tracés originaux ne tenant par forcément compte de l'emploi des lettres en texte courant. On se sert de ces caractères dans la publicité, ou pour des titres qui demandent de l'originalité
Malgré ses inconvénients, la classification de Thibaudeau reste la plus utilisée, et peut-être la plus pratique. Bien la connaître permet d'éviter des fautes de goût dans le choix des caractères. En effet, chaque famille correspond à une époque et à un style, et il vaut mieux éviter de mélanger des caractères de deux familles différentes, pour ne pas choquer le regard. La seule exception concerne la famille des antiques : les caractères bâtons qui n'ont pas d'empattement peuvent se marier sans trop de dommage à des caractères d'autres familles...
Les antiques peuvent se marier autant avec les elzévirs qu'avec les didones, ou les égyptiennes. Les égyptiennes ne se marient pas (sauf pour l'antique), et encore moins avec une autre police de caractère de la famille des égyptiennes. Les elzévirs connaissent le même sort (excepté pour l'antique). Enfin, les didots n'échappent pas non plus à la règle, sauf pour l'antique. Pour ne pas se tromper, le meilleur moyen est encore de se limiter dans le nombre de polices utilisées à l'intérieur d'un document donné... et surtout de limiter les polices visibles en même temps, c'est à dire présentes dans une même page.
On oublie généralement que le blanc, ou l'espace, est un signe typographique à part entière. C'est une idée chère à François Richaudeau, pour qui le blanc est la deuxième invention fondamentale de l'écriture, avant l'imprimerie et après le codex (feuilles reliées en volume, par opposition au volumen, ou rouleau). Cette invention a été introduite par des moines anonymes qui, il y a environ dix siècles, se mirent à séparer les mots par des espaces afin de faciliter le déchiffrement, qui devint alors lecture à part entière, intériorisée et silencieuse. Le blanc est, selon Fr. Richaudeau, la vingt-septième lettre de l'alphabet....
Profitons de ce blanc pour rappeler quelques notions sur les espaces en typographie : l'approche est la distance existant entre les lettres. En traitement de texte, mais surtout en PAO, certains logiciels permettent de la faire varier. L'espace fine a un point de largeur, tandis que l'espace forte est large du tiers du corps employé. Cette espace est la distance entre les mots que l'usage a consacré. Mais ce genre de nuance échappe parfaitement à l'attention du lecteur ordinaire, et la plupart des traitements de texte ne disposent pas de cette gamme typographique. En informatique, on peut éventuellement rendre l'espace forte par un double blanc ; le double blanc est l'un des conseils suggérés pour améliorer la lisibilité des textes et pour repérer les débuts de phrases en lecture rapide, mais son utilisation risque de provoquer des lézardes disgracieuses dans le texte
En traitement de texte, les blancs sont répartis automatiquement autour des mots par le logiciel (on doit effectivement frapper un double blanc pour obtenir un espacement plus large), en fonction des besoins de la justification. Parfois, les blancs d'un texte justifié sont excessifs, dans ce cas, il est nécessaire de pratiquer des coupures de mots (des césure), de manière automatique ou éventuellement manuelle, afin de mieux répartir les blancs entre les mots.
Le caractère blanc est aussi celui qui va permettre de mettre en évidence une bonne ponctuation. Nous en reparlerons donc plus loin. Toutefois, si vous en avez envie, vous pouvez prendre un peu d'avance, et aller lire le paragraphe sur le blanc dans la ponctuation.